Deux nouvelles lignes de costumes pour habiller l’Académie Fratellini
Nouveaux locaux, nouvelle charte graphique… il était impensable de réouvrir l’Académie Fratellini après trois ans de rénovation sans repenser les gilets d’accueil et les costumes des apprenti·es de l’école supérieure !
L’Académie a la chance de travailler à l’année avec quatre costumières : Irène Bernaud, Fanny Gautreau, Alexandra Langlois et Marion Rebmann. C’est à l’une d’entre elle, Fanny Gautreau, que cette commande a été passée.
À quelques jours de la réouverture, on est allé·es lui rendre visite à la costumerie.
L’Académie Fratellini t’a demandé de réfléchir à de nouveaux gilets pour les agent·es d’accueil. En quoi consistait la commande ?
Il fallait que les gilets soient pérennes, repérables facilement, unisexes, déclinés en quatre tailles, adaptés à l’été comme à l’hiver (pour que les agent·es puissent porter un pull en-dessous), adaptés au métier d’agent·e d’accueil (pour qu’ils puissent mettre leurs téléphones portables, talkies, brassards...), et enfin, cohérents avec la nouvelle identité du lieu.
Élise Besnard, responsable communication de l’Académie Fratellini, m'a transféré la typographie et les gammes de couleurs de la nouvelle charte graphique, pensée par l’agence & d’eau fraîche. La charte graphique s’inspire des bardages de bois qui recouvrent la façade des nouveaux bâtiments, notamment la Halle et le Studio Zéro. Pour que les gilets soient cohérents avec cette identité visuelle, j’ai décliné les motifs en lignes horizontales, verticales et diagonales.

Représenter une identité, faire de la série, du pérenne… Ce n’est pas une demande habituelle dans mon métier de costumière. Et puis les agent·es d’accueil n’ont pas du tout les mêmes besoins que les artistes !
Quelles ont été les étapes de création ?
J’ai commencé par effectuer des recherches au moyen de croquis. J'ai fait un tour dans les nouveaux espaces de l'Académie Fratellini, j’ai relevé la gamme de couleurs des murs et de l’ameublement intérieur.

Ces recherches ont abouti à des maquettes, c’est-à-dire des propositions en couleur de coupes et de motifs, que j’ai présentées aux membres de l’administration. J’ai affiné les propositions suite à nos échanges, ce qui a donné lieu à deux maquettes avec des tailles, des poches, boutonnages et emmanchures un peu différents.


J’ai ensuite fait appel à Marie Dumas pour le « moulage », c’est-à-dire l’adaptation des maquettes sur mannequin, en volume et en tissu.

Nous avons soumis ces prototypes à l’équipe de direction. On s’est dit « ça, il faudrait que ce soit un petit peu plus petit », « que la ligne de taille soit un peu plus haute », « que les poches soient plus discrètes ». Nous avons mixé les éléments préférés des deux prototypes pour arriver à un seul prototype final.
J’ai tracé à la craie les motifs sur ce prototype final pour voir si les échelles fonctionnaient.

Puis nous avons fait appel à monsieur Azel pour qu'il fasse les gradations. C’est un savoir-faire propre au prêt-à-porter qui consiste à décliner aux bonnes proportions la taille S en M, L et XL.
Pendant ce temps, j’ai cherché le tissu. Comme nous étions parti·es sur des couleurs et motifs originaux, le plus simple était de partir de textiles blancs en coton, au grammage épais, de les teindre et de réaliser le motif en sérigraphie.
La sérigraphie, c’est quand on dépose l'encre au travers d’un cadre micro-perforé. C’est une technique qui permet de faire des motifs de façon sérielle. La sérigraphie peut se faire sur du textile mais aussi sur du papier ou d’autres supports… Nous, on a choisi une encre à l'eau. Sur les gilets des agent·es d’accueil, il y a une sérigraphie avant pour les rayures, et une sérigraphie arrière pour le logo. La sérigraphie a été réalisée par des artistes sérigraphes de Saint-Denis.

J’ai ensuite amené les tissus à la teinturerie Piat. Je leur ai aussi apporté les échantillons de couleurs pour qu’ils puissent faire leur petite chimie.
Ensuite, on a fait réaliser les motifs en sérigraphie.
Toute la matière première était enfin prête à être amenée en atelier de confection !
Je ne pouvais pas réaliser seule les vingt-quatre gilets en un temps si court. Je me suis donc tournée vers Fer et Refaire, un atelier de réinsertion par le travail basé à Saint-Denis. C’était inhabituel pour moi de faire appel à un atelier de confection ! Les personnes qui ont été affectées au projet ont produit les gilets en deux semaines et demie. C’est énorme. Elles peuvent être fières de leur travail qui est magnifique !

Ce projet t’aura pris combien de temps ?
J’ai proposé un budget en mars. Il a été validé en avril. J'ai commencé à travailler sur les croquis mi-juin. J'ai engagé plusieurs partenaires pour toutes les étapes, en sachant qu’au mois d'août, tout est fermé ! Il fallait que tout soit prêt pour la réouverture de l’Académie Fratellini le 4 octobre. Mais je travaillais en parallèle sur la gamme de costumes des apprenti·es !
En parallèle, on t’a demandé de créer une gamme de costumes pour les apprenti·es. Tu peux nous en dire plus ?
Dans le cadre de leur cursus, les apprenti·es participent à des créations très courtes, qu’ils interprètent une ou deux fois maximum. Il leur faut des costumes, mais malheureusement on n’a ni le temps ni les sous nécessaires à la création ou à l’achat de costumes pour chacune de ces productions. On y a réfléchi, et on s’est dit qu’au bout du compte, il serait plus simple de créer une ligne de costumes dans laquelle les apprenti·es pourraient piocher.

L’Académie souhaitait donc une gamme de costumes adaptée au cirque, pérenne, dynamique, colorée mais chic, plutôt unisexe, avec une identité visuelle repérable. L’idée, c’était que les apprenti·es aient chacun plusieurs pièces à leur taille, pour qu’ils puissent les assembler à leur guise.
J’ai fait le même travail de recherche que pour les gilets.
Avec l’administration, nous avons validé un concept simple et fort visuellement : de grandes lignes horizontales et verticales sur les hauts et bas de chaque silhouette, dans une gamme de couleur très élargie, afin d’avoir un grand nombre de pièces assemblables à l’infini.
J’ai pris les mesures des trente-quatre apprenti·es. Je leur ai demandé s’il y avait une partie du corps qu’ils avaient besoin de protéger ou au contraire de laisser à nu, selon leur discipline. Tous ont en commun un besoin de grande amplitude de mouvement. Un des défis de la commande était de faire des costumes qui s’adapte à tous leurs agrès. Car certains agrès sont très spécifiques, comme le mât chinois, qui nécessite des couches de tissu plus épaisses, des manches et des pantalons longs, ou le jonglage où il faut éviter les coupes trop amples. Il fallait réfléchir individuellement et collectivement, tant en termes de contraintes que d’esthétique.

Pour la réalisation, je suis allée chercher en magasin des pièces de vêtement qui correspondaient aux maquettes, certaines blanches, d’autres colorées. Des polos, des pantalons à pinces, beaucoup de coupes japonaises et ballons, qui permettent de bouger. Pour les chaussures, je suis très heureuse d’avoir obtenu un partenariat avec la marque Feyiu.
J’ai complété cette base par des tissus achetés au Marché Saint-Pierre, que j’ai teints. La teinture est un processus assez long.
Avec Jasmine Comte, on a ensuite coupé et réassemblé verticalement ou horizontalement les pièces de vêtement. Nous avons créé ainsi une centaine de pièces, toutes différentes et uniques.

Enfin, nous avons fait d’ultimes essayages afin d’attribuer à chaque apprenti·e des assemblages de costumes, et effectuer les éventuelles retouches nécessaires à leurs disciplines.
C'est une ligne qui est amenée à évoluer dans le temps.

Combien de personnes ont travaillé sur ces deux projets ?
Pour les gilets, en plus de tous les partenaires cités précédemment, il y a aussi une partie de l’administration de l’Académie Fratellini, puisque le design a été validé par Stéphane Simonin, directeur, Valérie Fratellini, directrice adjointe et pédagogique, Élise Besnard, responsable communication, Adeline Préaud, responsable du pôle publics et Emmanuelle Py, alors responsable des productions. Et puis, c’est un projet dont je parlais depuis longtemps avec Clémentine Bergel, anciennement régisseuse générale à l’Académie !
Pour la ligne de costumes, j’ai travaillé avec les mêmes personnes de l’administration, et Jasmine Comte.
Avant qu’on se quitte, tu peux nous parler un peu de ton parcours ?
J'ai une formation en scénographie. Je suis intermittente du spectacle depuis quinze ans. Je crée des costumes et des décors.
Ma toute première collaboration avec l’Académie Fratellini était en 2013, pour Déraille, un spectacle jeune public mis en piste par Michèle D'Angelo.
Depuis dix ans, avec trois autres costumières, nous assurons de façon bénévole une permanence par semaine les mercredis matin, et un jour et demi pour chaque Nouvelles Pistes. Nous accueillons et conseillons les apprenti·es, maintenons l’atelier en état et gérons le stock de costumes. En échange, nous avons le droit d’utiliser l’atelier pour nos projets personnels.
On est très attachées à cet accord. Cela nous permet d’être liées à une structure sur le long terme, de voir les apprenti·es évoluer sur leurs trois ou quatre années d’études et d’avoir un atelier où l’on peut mutualiser nos affaires et notre savoir-faire. C’est un partenariat unique et très précieux, auquel nous tenons beaucoup !
Depuis deux ans, nous donnons avec Irène Bernaud un cours de dramaturgie du costume de cirque aux trois promotions et accompagnons les apprenti·es de troisième année sur leur conception de costumes de numéros de sortie, Les Envols. On essaye de transmettre aux apprenti·es qu’un costume est toujours porteur de sens. Le costume peut protéger évidemment, mais il raconte aussi des choses. C’est un vocabulaire, un langage supplémentaire, que nous aimerions partager avec eux.
Merci Fanny !
Pour découvrir le travail de Fanny et des trois autres costumières, venez à nos spectacles !