Week-end festif de réouverture après trois ans de travaux !

Ça bouge à Villepinte !

25 sep 2025

Quand cirque et théâtre titillent nos papilles

Vendredi 25 juillet, dernier jour avant la fermeture estivale de l’Académie Fratellini. Stéphane Simonin, directeur, Gwénola Stéphan, administratrice et Érika Matagne, diplômée de l’école supérieure, montent dans une voiture.
 
« Où allez-vous ? » demande-t-on à la volée.
« En prison ! » nous répondent-ils.
 
Pas banal comme destination pour une veille de vacances. Notre curiosité piquée, ni une ni deux, on embarque avec eux*.

Dans la voiture, Stéphane nous explique que le pôle publics de l’Académie Fratellini mène un projet en lien avec le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) de la Seine-Saint-Denis, la maison d’arrêt de Villepinte et la DRAC Île-de-France. Nous sommes en route pour assister à la restitution d’un stage d’une semaine animé par Anissa Kaki, comédienne, metteuse en scène et réalisatrice et Victoire Godard, diplômée de l’école supérieure de l’Académie Fratellini et réalisatrice.

« Victoire Godard, c’est bien elle qui animait l’atelier au centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis il y a quelques mois ? » (voir l’article)
« C’est tout à fait ça. » répond Érika, qui connaît bien Victoire puisqu’elles étaient dans la même promotion à l’Académie Fratellini. « En fait, les projets d’Anissa et Victoire se font écho. Victoire a réalisé un documentaire qui questionne la mémoire de sa famille à travers les odeurs, et Anissa un court-métrage sur la cuisine de sa grand-mère. Ce sont ces ressemblances qui ont poussé le pôle publics de l’Académie Fratellini à les réunir. Et d’ailleurs, le thème de la restitution qu’on va voir aujourd’hui, c’est « cuisine et souvenirs d’enfance » ! »

Tessa Marchon

Arrivée à la maison d’arrêt

Comme la fois dernière au centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis, on se perd un peu de portiques en portes blindées. Elfie Iriarte, coordinatrice culturelle de la maison d’arrêt de Villepinte, nous guide dans ce dédale de couloirs. Nous voilà au gymnase, où nous attendent des agent·es du SPIP, les intervenantes et une dizaine de personnes détenues. Un grand sourire aux lèvres, les comédiens en herbe nous serrent tous chaleureusement la main et se positionnent silencieusement au fond de la salle, pendant qu’Anissa introduit la séance.

« Vous allez voir le résultat d’une semaine de travail sur le corps et le texte. Je dois dire que je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi difficile de travailler la voix quand on travaille déjà autant le corps. Car le travail du corps, ça prend du temps : échauffements, étirements… J’ai dû adapter les exercices liés à la voix. Les participants sont parvenus à travailler l’ensemble de ce qu’on avait imaginé malgré tout, donc bravo à eux ! Bon spectacle ! Nous espérons que vous prendrez autant de plaisir à découvrir notre travail que nous en avons eu à le préparer. »

 "Bienvenue au banquet !"

Ça commence. Portés acrobatiques, fil de fer. Certains tremblent un peu, ils ont le trac. Ils prennent l’exercice au sérieux. Mais on devine l’amusement dans leurs yeux, des étoiles qui brillent. Des regards complices. Beaucoup de fierté aussi.

Tout est soigné. Les entrées, les sorties, la mise en scène, les monologues, qui sont parfois mémorisés, parfois improvisés. Les anecdotes qu’ils partagent sont intimes et terriblement touchantes. Ils nous parlent du tajine, du colombo, ou encore du mafé de leur enfance.

Ils se laissent ensuite un à un tomber du haut d’une table dans les bras de leurs camarades. Un exercice pas évident, qui implique une grande confiance envers l’autre. 

Cyril Zannettacci

Ce qu’ils ont réussi à faire en une semaine est très beau, très émouvant. Certain·es personnes de l’Académie Fratellini – on ne les citera pas – ont les larmes aux yeux pendant les applaudissements.
 
Élodie Boutet, du pôle publics de l’Académie, a ramené un goûter. Le démontage terminé, les participants s’approchent avec entrain. On profite de ce moment de liesse pour poser quelques questions.
 
« On sent la force du collectif. Vous vous connaissiez avant ? »
« Non, on vit tous dans des bâtiments séparés. Mais le stage nous a permis de nous rencontrer et de nous rapprocher. »
 
« Vous étiez tous volontaires ? »
« Oui, on a reçu un courrier, on pouvait s’inscrire si on le souhaitait. Moi je me suis inscrit. J’avais déjà pris des cours de hip-hop une fois, et j’avais bien aimé. » 
« Moi j’avais vu le spectacle Signatures de l’Académie Fratellini en juillet 2024 à la maison d’arrêt de Villepinte, à la fin on avait tous dansé avec les artistes… c’était génial. Quand j’ai reçu le courrier, je me suis donc inscrit sans hésitation ! »
 
« C’est vous qui avez choisi le thème, « cuisine et souvenirs d’enfance » ? »
« Non, mais c’est nous qui avons écrit nos textes. »

On profite du passage de Victoire. « Pour toi, c’était quoi l’objectif de cette semaine ? »
« Travailler la confiance et le respect mais aussi éveiller des souvenirs, réussir à les partager, en corps et en mots. Trouver des ponts entre le cirque et l’écriture, des endroits d’écho et de contrepoint. » répond-elle.
« Tu penses que vous y êtes parvenues ? »
« J’ai été très impressionnée par l’implication et la bienveillance du groupe, qui s’est formé très vite. Grâce à l’énergie motrice et la force de proposition de chacun des participants, on a pu imaginer une restitution aux allures de création collective. »
 
Anissa nous rejoint. « Tu as aimé animer ce stage ? »
« Oh oui, c’était super. » répond-elle. « Ce n'était pas évident car déjà, une semaine, c'est très court, et puis parce que les participants ne peuvent pas forcément venir tous les jours, même s'ils se sont inscrits bien en amont. »
« Comment ça se fait ? »
« Ils ont parfois d’autres obligations comme les parloirs ou le travail pour ceux qui travaillent en détention, ou bien la gestion de flux de la maison d’arrêt ne permet pas qu’ils soient transférés dans un autre bâtiment ce jour-là. Ce n'est pas évident de construire une présentation publique avec des personnes qui ne peuvent pas être là tous les jours. Mais on l’a fait ! »
 
Victoire et Anissa animeront un autre stage similaire au centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis en octobre !
 
En tout cas, il n’y a pas à dire, côté public, on s’est régalé·es. 
 
*Partie du récit romancée, bien sûr notre venue avait été organisée en amont avec le SPIP.