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Projet d’écriture avec l’association Femmes des Franc-Moisin

Filles de la Lune

Projet proposé par et mené avec le Théâtre Gérard Philipe

Entre janvier et juin 2024, Isabel Serna Roche, professeure de cirque à l’Académie Fratellini et Léa Doussaint, danseuse et professeure à l'Académie Fratellini, ont participé au projet d’écriture collective Filles de la Lune, mené en collaboration avec Emmanuelle Jacquemard, comédienne et metteuse en scène et 16 femmes de l’Association Femmes des Franc-Moisin.

Le spectacle Filles de la Lune approchait par le corps et par les mots les émotions intenses que procure la lune. Sur scène, les femmes des Franc-Moisin ont donné vie à ces réflexions et sentiments, créant un lien poétique entre la Lune et la féminité, entre le rêve et la réalité.

Le spectacle, d’une durée de 35 min, a été présenté le samedi 1er juin 2024 au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis.

© Luc Maréchaux

Témoignage d’Isabel Serna Roche, professeure de cirque à l’Académie Fratellini

« Le projet des femmes des Franc-Moisin, c’est un projet qui au début faisait un peu peur. On avait peur de ne pas être à la hauteur.

On a rencontré des difficultés. On avait un projet, une idée mais on n'arrivait pas à faire exactement ce qu’on avait prévu. On s’est dit que ça allait être difficile, mais que c’était un défi, qu’on allait réussir et qu’on allait faire un truc génial. On s’est adaptées. On construisait une idée, ça se défaisait. On construisait, ça se défaisait.

Les femmes avaient des vies très difficiles. Parfois, on faisait une séance avec elles, mais elles venaient avec tous leurs problèmes et ne parvenaient pas à accrocher. Après chaque séance on avait un retour de Tanaz, directrice de l’association Femmes des Franc-Moisin qui nous disait « Elles ont été super contentes, super motivées. » On voyait qu’elles étaient engagées parce que le projet commençait avec une vingtaine de personnes et on s’attendait à ce qu’il n’en reste que 8 ou 5, et non, elles sont pratiquement toutes restées sur scène, preuve de leur motivation.

Les personnes accompagnatrices, les bénévoles, étaient aussi impliquées dans le projet. C'était hyper beau de voir ce partage d’expérience.

Les femmes étaient fières de ce qu'elles faisaient. Certaines femmes disaient « Je suis comme ça ici mais quand je sors de là je ne suis pas du tout comme ça, je suis une autre personne ».

Parfois, on ne comprenait pas la fatigue de certaines, on n’avait rien fait, juste un petit échauffement. Elles nous racontaient après : « Je ne bouge que de la cuisine au salon, je ne fais rien. Mon mari, il ne me laisse pas. »

Elles entendent tous les jours « Tu es nulle, tu ne mérites pas, tu n’as pas de papiers… »

Elles ont peur, elles n’ont pas confiance en elles. Il s’agissait d’enlever toute cette couche de « Non non non non non. » pour dire « Oui, tu es une artiste, tu es belle, tu es capable… »

Certaines arrivaient le matin épuisées mais sortaient avec une position corporelle différente, les épaules droites…

Certaines n’ont pas de papiers. Ce sont des femmes avec des situations d’une extrême précarité mais qui ont pris leur temps, leur énergie pour faire du cirque collectivement.

Voir la joie sur leur visage quand on faisait quelque chose qui leur plaisait, danser, juste pouvoir enlever le foulard, être avec les copines, rigoler entre nous… j'ai trouvé ça très beau. C’était une chance de travailler avec elles.

L'aboutissement du projet c'était le spectacle. Elles ont été incroyables. Voir comme elles étaient fières et contentes... On a réussi à les faire briller sur scène. Elles ont brillé incroyablement. »

© Luc Maréchaux

Témoignage de Tanaz Rohani, directrice de l’association des Femmes des Franc-Moisin

« La préparation de ce spectacle a été exceptionnelle et le jour du spectacle encore plus ! Il s'est passé quelque chose d'incroyable pour toutes les femmes du groupe ! La plupart de ces femmes n'ont jamais de moments de liberté dans leur vie et elles sont rarement heureuses et souvent prises par différentes formes de violence !

Ce projet a permis à ces femmes de vivre et de ne plus seulement survivre. Je les avais rarement vues aussi joyeuses ! Des femmes se sont révélées être de vraies artistes, elles ont vaincu leurs peurs et se sont présentées pour la première fois sur scène, devant un public mixte et en français !!! Elles étaient belles, fortes et déterminées. Elles ont réussi à renverser le cycle de violence qu'elles subissent au quotidien. Nous avons aussi pu voir des enfants qui étaient fiers de leur maman ! »