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Dans la peau des apprenti·es circassien·nes · Les temps professionnels

Quand on intègre l’école supérieure des arts du cirque de l’Académie Fratellini, on devient apprenti·e, c’est-à-dire qu’on est en alternance entre cours de cirque et temps professionnels.

Quand les cours de cirque permettent de renforcer les capacités physiques et le geste artistique, les temps professionnels permettent de se mettre en situation de création et de jeu dans différents lieux et face à différents publics.

Les apprenti·es sont engagé·es sur deux spectacles par an minimum. En groupe ou individuellement, iels peuvent aussi être sollicité·es pour participer à des productions avec ou pour d’autres structures.

Les élèves ont eu l’occasion par exemple d’improviser avec le quatuor musical Emmanuel Bex, de jouer pour l’exposition « Monumenta » au Grand Palais, pour les 10 ans du forum « Entreprendre la culture » au Ministère de la Culture, pour l’Été au Palais du Palais de la Porte Dorée, pour l’exposition « Risques, osez l’expo » à la Cité des Sciences, pour le Picasso Circus au musée d’Orsay, pour les journées portes ouvertes à l’Hôtel de Ville de Paris, pour « Jour 2 fête » à Créteil, pour les Enfants du Patrimoine aux Archives nationales de Pierrefitte, pour l’exposition « Figures du fou » sous la pyramide du musée du Louvre

© Loïc Réau aux Archives Nationales de Pierrefitte

Que peut nous dire Alvin Nilsen-Nygaard, apprenti de l’école supérieure de l’Académie Fratellini, à propos des temps professionnels ?

© Marion Poussier

Qui es-tu ?

Je suis Alvin Nilsen-Nygaard, je suis acrobate.

Peux-tu nous parler de tes temps professionnels ?

En ce moment, je travaille avec Guillaume Clayssen, metteur en scène, anciennement professeur de philosophie, sur une série de conférences qu’il appelle « Les Impromptus philosophiques ». Il est la voix, je suis le corps. En parallèle, je travaille sur un événementiel pour L’Oréal Paris.

Que t’apportent ces temps professionnels ?

Quand j’étais en Scandinavie, je pensais moi-même la mise en scène, c’est donc nouveau pour moi de trouver mon espace dans celui de quelqu’un d’autre. Et j’aime bien ce challenge !

Qui te propose ces expériences professionnelles ?

Les Impromptus m’ont été proposés par l’équipe pédagogique de l’école. L’événementiel pour l’Oréal vient de mon réseau personnel !

Que peut nous dire Agnès Brun, professeure permanente à l’Académie Fratellini, à propos des temps professionnels ?

© Julie Carretier-Cohen

Quels types de temps professionnels gères-tu ?

Valérie Fratellini, directrice adjointe et pédagogique m’invite souvent à mettre en scène, chorégraphier et accompagner des interventions artistiques qui vont jouer une ou deux fois maximum et qui ont donc des temps de création très courts. En tant que professeure permanente, je connais bien les élèves, leurs univers, leurs niveaux ; je peux donc développer des choses très rapidement avec eux !

Combien d’apprenti·es sont sollicité·es à chaque fois ?

Cela peut être un comme vingt-et-un, à l’occasion d’une déambulation pour la Fête des fous du musée du Louvre en octobre 2024 ! Pour cette création, Valérie pensait à une dizaine d’apprenti·es, mais les équipes du musée en souhaitaient davantage. De mon côté, j’ai proposé de ne pas séparer les promotions, surtout les préapprenti·es et les 1ère année qui, pour la plupart, venaient d’arriver à l’Académie Fratellini et ne se connaissaient donc pas encore bien. Valérie partageait cette opinion. L’un des objectifs pédagogiques d’un temps professionnel est de permettre aux apprenti·es de se rencontrer et d’apprendre à travailler ensemble. Séparer les nouvelles et nouveaux aurait donc été contre-productif !

En quoi le processus de création d’un temps professionnel est-il spécifique ?

Je regroupe les apprenti·es et leur demande de faire des improvisations libres, avec des thèmes ou des contraintes. Je filme le résultat pour qu’iels puissent se voir, puis on réfléchit ensemble à ce qui fonctionne et comment le retravailler. Je leur propose des idées validées par Valérie, mais si l’un·e d’entre elles ou eux ne le sent pas, on n’y va pas ! L’important c’est que les apprenti·es se sentent à l’aise, qu’iels s’attribuent leur espace et qu’iels développent leur capacité à s’exprimer face à un ou une metteur·euse en scène.

Les temps professionnels montrent aussi aux apprenti·es à quel point une création, c’est un travail d’équipe ! Il y a la production, la technique, les costumes, le son, la lumière

Les temps professionnels, c’est aussi l’occasion d’apprendre à s’adapter à l’espace, à la culture et aux normes de la structure qui nous accueille. Les équipes du musée du Louvre souhaitaient par exemple qu’on évite d’être proches des escaliers et escalators pour des raisons de circulation de flux. J’avais prévu large pour être sûre qu’en cas de grosse affluence, les apprenti·es pourraient évoluer dans l’espace sans gêner ou être gêné·es par le public. Au final, c’était le premier jour des vacances donc il y avait moins de monde que d’habitude. C’était rassurant à la fois pour les apprenti·es, qui pouvaient sauter sans prendre de risque, et pour le public !

Autre réalité technique à laquelle on s’adapte souvent : des plafonds bas ou même des détecteurs de mouvement qui déclenchent alarme et évacuation. Dans ce genre de cas, on modifie la création en fonction des contraintes.

Quels sont les objectifs d’un temps professionnel ?

Les temps professionnels ont une visée pédagogique, technique et artistique. Ils encouragent les apprenti·es à :

  • Chercher des idées et savoir les exprimer.
  • Penser collectif. Par exemple, comment construit-on à plusieurs autour d’un objet qui appartient à quelqu’un d’autre, comme une corde par exemple ?
  • Aller au-delà de la technique, développer son geste artistique.
  • Trouver de la liberté dans la contrainte (notamment en termes de sécurité).
  • S’adapter à tous les projets, à tous les lieux et à tous les contextes. Être autonome.

Combien de temps as-tu pour préparer les temps professionnels ?

Pour le musée du Louvre, on avait 1h de répétition à l'Académie Fratellini et 1h30 sous la pyramide. J’ai associé Louis Chardain (jongleur) et Tom Bayard (acrobate) sur un duo, parce qu’ils travaillaient déjà ensemble sur la création jeune public Ça a l’air facile de Béné Borth. Étant dans la même promotion et sur la même création, ils avaient le même planning, ce qui leur permettait de facilement trouver un créneau commun pour répéter. C’est aussi pour cette raison que j’ai gardé les promotions complètes.

© Loïc Réau au musée du Louvre

Combien de personnes travaillent sur un temps professionnel ?

Pour le musée du Louvre, on était une petite trentaine : 21 apprenti·es de l’école supérieure, Clémentine Bergel côté technique, Valérie Fratellini et Ambre Fourmy côté pédagogie, Emmanuelle Py et Ziwen Zhang côté production… Côté musée du Louvre, on avait à peu près une dizaine d’interlocuteur·rices.

Une anecdote favorite concernant les temps professionnels ?

Fin 2022, on avait fait une création sur la place de la mairie de Saint-Ouen, donc en extérieur, et il faisait -2° ! Bien entendu, on a acheté des habits en conséquence mais ça ne suffisait pas, il a fallu revoir nos attentes. Quand il fait un froid de canard, et que le gel peut faire glisser, ce n’est pas la technique qui prime, c’est la sécurité ! On ne veut pas (faire) prendre de risques inutiles.

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